Des documents volés peuvent-ils servir de base à un redressement fiscal ?

Des documents volés peuvent-ils servir de base à un redressement fiscal ?

Les principes juridiques deviennent mouvants sur le terrain du contrôle fiscal puisque depuis 2011, l’Administration fiscale utilise désormais des informations figurant dans des documents obtenus de façon illicite pour ensuite infliger à certains contribuables des rectifications fiscales quelquefois très élevées, notamment si l’on prend en compte les pénalités, majorations et amendes pour les contribuables concernés.

 

Cela est notamment le cas des personnes qui détiennent des comptes bancaires non déclarés à l’étranger et notamment les contribuables figurant sur la fameuse liste de la HSBC Genève.

 

Sur le plan des principes, l’utilisation d’informations obtenues de façon illicite est une vraie question juridique notamment au regard de l’adage « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » qui signifie  que « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » celle-ci résidant dans le fait d’exploiter des documents volés.

 

D’ailleurs, et jusqu’en 2011, l’Administration fiscale refusait l’utilisation d’informations et documents obtenus de façon illégale (vol, piratage, recel de vol etc.) au motif que cela avait pour effet d’entrainer la nullité de la procédure de rectification fiscale.

 

Cette frontière interdisait ainsi toute possibilité de redressement fiscal dans cette affaire et il existait ainsi un statu quo en la matière fondé sur le principe de l’Etat de droit qui ne peut autoriser une partie à utiliser le viol de la loi à son profit.

 

Concrètement cela signifiait que de deux choses l’une :

 

  • Soit l’Administration pouvait obtenir légalement par l’exercice de son droit de communication la copie des documents illicites qui lui ont été transmis afin de lui permettre de notifier des rectifications fiscales
  • Soit l’Administration fiscale était dans l’impossibilité d’obtenir légalement ces informations, auquel cas les présomptions qui existaient à l’encontre d’un contribuable restaient inexploitées sur le plan fiscal.

 

Depuis 2011, sur fond de déficit budgétaire et à la suite du scandale de la HSBC Genève sur la fameuse liste de 3.000 contribuables français ayant un compte non déclaré à l’étranger, l’Administration fiscale, notamment compte tenu de  l’attitude offensive du fisc Allemand sur le même sujet, a engagé une opération d’ampleur visant à « faire bouger les lignes » tant sur le plan des principes juridiques que sur le plan de l’état d’esprit des français en général et des contribuables concernés en particulier.

 

Consciente de la faiblesse originelle de ce type d’affaires liées à l’origine frauduleuse des informations obtenues, à savoir le vol de fichiers et/ou de documents, la situation juridique et fiscale sur ces dossiers est donc confuse puisque certaines juridictions ont estimé que les rectifications fiscales fondées sur des documents volés étaient valables si elles étaient corroborées par d’autres informations, alors que certaines juridictions pénales ont relaxé certains prévenus au motif que les infractions qui leur étaient reprochées l’étaient sur la base des mêmes documents illicites.

 

La bataille juridique et fiscale fait donc rage et même le Conseil constitutionnel n’a pas voulu trancher le débat puisqu’il estime que même si l’Administration peut utiliser des informations illicites, il lui appartiendra néanmoins de les faire valider par l’exercice de son droit de communication, ce qui n’est manifestement pas toujours possible, et sous la réserve expresse que le juge pénal, s’il est saisi pour des délits annexes aux rectifications fiscales, n’ait pas annulé la procédure pénale sur le fondement de l’origine illégales des informations et documents volés.

 

Attention donc, zone de confusion fiscale !

 

Les contribuables concernés sont donc un peu condamnés à continuer les contentieux fiscaux, à moins de vouloir tenter une négociation avec l’Administration fiscale qui de son côté pourra le souhaiter également compte tenu d’un corpus juridique et jurisprudentiel qui ne lui est pas totalement et complément acquis et compte tenu par ailleurs de l’issue incertaine de ces contentieux dont l’issue définitive viendra probablement de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE).

 

Pour certains contribuables néanmoins, ceux pour lesquels les enjeux financiers et fiscaux sont tels qu’ils remettent en cause une grande partie voir la totalité de leur patrimoine, la voie judiciaire est la seule qui leur permette de garder un peu d’espoir, quitte à tenter d’obtenir parallèlement une solution négociée pas totalement confiscatoire.

 

Quelquefois dans la vie, pour avoir paix, il ne faut pas avoir peur de faire la guerre. A méditer.

Publié le 22/04/2014

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